Remerciements particuliers à Michel pour cet article
Légende de la Tissa.
– Mila et Sacha, quelle heure est-il ? demanda Mamie.
– Il faut déjà nous coucher ? protesta Sacha. Alors, raconte-nous l’histoire.
– Oui, l’histoire ! L’histoire ! répéta la petite Mila en battant des mains.
– Voulez-vous un conte ?
– Mais non, nous voulons la légende des Immortelles de la Tissa, l’histoire… l’histoire ! … insista Sacha en se serrant contre sa Mamie.
– La légende ! La légende ! disait Mila en sautant sur place.
– Alors, chacun dans votre lit.
Quelques minutes plus tard, chaque enfant avait la tête enfouie dans l’oreiller.
– Je ferme les yeux pour mieux entendre le chant de l’histoire, dit Sacha.
– Moi aussi, dit Mila en écho.
– Alors, écoutez l’histoire des Immortelles de la Tissa :
« C’était il y a si longtemps que les hommes n’existaient pas encore. Gaia, la Déesse de la Terre, parla à deux de ses enfants : à Ouranos, Dieu du Ciel, et à Ouréa, la Déesse des Montagnes.
– Nous allons créer, leur dit-elle, un Pays que nous ferons habiter par les hommes. Ils auront les montagnes pour chasser, les plaines pour cultiver et deux rivières pour pêcher : La Tissa noire et la Tissa blanche. Nous appellerons cette contrée : l’Ukraine.
Elle lança deux gouttes de salive sur les montagnes de Transcarpatie, lesquelles devinrent deux rivières sœurs qui s’élancèrent d’un roc à l’autre.
– Où es-tu ? cria Tissa la Noire.
– Je t’entends, cria Tissa la Blanche. Nous devons nous rencontrer pour creuser une rivière près de laquelle naîtront les Ukrainiens.
Et les deux petits torrents s’élancèrent contre les rocs avec la force de leur jeunesse. La pierre se creusa, les galets roulèrent les uns sur les autres jusqu’à ce que les sœurs se rencontrent pour devenir la Tissa.
– Le cours d’eau est magnifique, dit la Tissa ; Ouranos et Ouréa sont aussi féériques à regarder. Les nouveaux venus, les hommes, sont un peu étranges mais ils ont appris à vivre grâce aux quatre éléments, l’eau, l’air, la terre et le feu. J’ai cependant l’impression qu’entre la rivière et le ciel, il manque quelque chose.
Gaia entendit ses paroles.
– Je dois inventer des créatures qui peupleront l’espace entre la Rivière et Ouranos, se dit-elle. Elles seront si belles que les hommes s’assiéront au bord de la Tissa pour observer la magie de leur danse. Ce seront les Immortelles.
Et Gaia souffla le Vent d’où devaient naître les Immortelles qui jamais ne mourraient. Ces Déesses de la Tissa avaient les ailes transparentes comme le torrent et le corps noir et blanc comme les deux premières rivières. Elles étaient grandes comme une de tes mains, Mila, ou comme l’une des tiennes, Sacha. Et la première année de leur apparition, après leur travail, les Ukrainiens admiraient ces Demoiselles de l’Air et de l’Eau. Les Immortelles aussi se sentaient bien dans ce paysage qui était le leur puisqu’elles y étaient nées. Mais elles prirent conscience de leur beauté.
– Nous sommes bien plus belles que la Terre Noire, plus belles que le Ciel, plus belles que ces petits hommes qui ne savent même pas voler, plus belles que cette Tissa qui ne sait que creuser la montagne pour aller plus loin, toujours plus loin.
Gaia entendit ces paroles et elle décida de punir ces vaniteuses insolentes. Elle demanda à la Tissa de continuer son chemin en traversant d’autres pays : la Roumanie, la Hongrie, la Serbie pour aller jusqu’au Fleuve Danube, jusqu’à la mer…
– Vous prétendez aimer cette terre où vous êtes nées, dit-Elle aux vaniteuses. Moi Gaia, je vais vous punir de votre mépris. D’abord la Rivière Tissa va vous entraîner hors de l’Ukraine jusqu’à Kanjiza. On ne vous appellera plus les Immortelles. Vous deviendrez les éphémères, celles qui ne vivent que quelques heures. Ah ! Vous méprisez la Terre ! répéta-t-elle. Eh bien, vos larves y demeureront dans le noir absolu pendant trois longues années. Alors, le temps d’un seul jour de juin pour vous faire regretter votre folie, vous redeviendrez les danseuses de l’Air.
Les Immortelles devenues mortelles tremblaient à la voix de la Déesse.
Tous les trois ans, pendant une seule journée, les Hongrois assistent à « La floraison de la Tisza ». A Kanjiza les éphémères donnent un bal.
Mais depuis cette date oubliée, près des sources de la Tissa, les Ukrainiens s’assoient toujours pour écouter la musique de la Rivière qui d’un galet à l’autre chante les soirs d’été ; pour observer les reflets de l’eau sous le soleil ou sous la lune ; pour s’aimer ; pour y vivre…
Regardez cet anneau que je porte au doigt ! Papi a le même, et votre Papa, et votre Maman ! Une moitié est Papi ; l’autre est moi. Où commence l’anneau ? Où finit l’anneau ? Le cercle recommence sans cesse, comme l’Amour, comme la Tissa : elle naît de la pluie des montagnes et court jusqu’à la mer. La mer s’évapore et devient nuages. Les nuages viennent sur nos montagnes et apportent la pluie. Ce cercle est immortel. Les éphémères n’avaient pas compris ce grand secret. Sans l’autre moitié représentée par l’Ukraine, elles mourraient car elles n’étaient qu’une moitié de l’anneau…
– Eh bien, moi, je ne serai jamais vaniteux, murmura Sacha.
– Moi, non plus, je ne serai jamais vaniteuse, dit doucement Mila qui ne savait sans doute pas le sens du mot mais qui comprenait que les éphémères avaient mal agi.
Sacha non plus n’avait pas compris toute la philosophie de la légende, mais heureux sous le charme de la voix, il s’était endormi.
– Dormez, dormez, Mila et Sacha ! dit tendrement la voix de Mamie. Que le chant de la Tissa vous apporte de doux rêves.
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Sources : http://www.2tout2rien.fr/la-floraison-de-la-tisza/ www.archive.org (Ecrire Tisza) : Images et vidéos Voir aussi « Le fleurissement de la Tisza »
très belle histoire