Colliers ukrainiens, de la tradition au moderne

Le collier est une force de la femme, son amulette, porte-bonheur, talisman.

En Ukraine, le collier (намисто, namysto) est depuis toujours le symbole de la prospérité qui rapporte de la santé et du bonheur à celle qui le porte. Formes et longueurs différentes (24-25 fils était le nombre prestigieux pour un beau collier de perles), matériaux variés (coraux, ambre, perles, fruits ou graines, verre, bois, grenade, verre vénitien chez les Houtsoules), le collier est spécifique pour chaque occasion et est ornementé de pièces de monnaies, de l’argent, des croix. 

Nous avons posé quelques questions à Julia Lev de Julia Lev Creation, qui a commencé à s’intéresser aux colliers ukrainiens depuis un certain temps.

  • D’où est venue cette passion des colliers?

Elle est venue tout à fait naturellement, comme une réaction aux événements qui ont eu lieu cette année en Ukraine et une réponse à mes sentiments et mes émotions. 2014 est une année de l’identité, de la dignité pour les Ukrainiens, de réflexions sur nos origines, de l’espoir et des actions pour notre avenir. Créer des colliers, inspirés de nos traditions millénaires, c’est ma manière d’exprimer mon amour pour mon pays, c’est un lien qui se renforce au fil du temps.

Et après, il y avait aussi des rencontres. Avant tout, avec une formidable équipe du musée de la culture ukrainienne Hontchar, ils font un travail à la fois gigantesque et méticuleux de recherche et de reconstitution des costumes traditionnels. Mais aussi des retrouvailles avec des amis de ma ville, Lviv. C’est une ville très artistique qui a donné naissance à beaucoup de designers, créateurs, musiciens. Ce sont également des souvenirs de mon enfance à Zaporijié, la terre des glorieux Cosaques Zaporogues, et des « trésors » cachés dans les vieux coffres de ma grand-mère paternelle.
Je suis aussi admirative devant ce que font aujourd’hui les autres, j’aime énormément les colliers de Roxolyana Shymchyk, de Sveta Kubrak, de Slava Saluk, les couronnes de fleurs de Makoviya, les photos d’Anna Senik et les dessins de Nadia Rytchok.

  • Comment naît l’idée d’un nouveau bijou? Par quoi commence son histoire, quelles sont vos inspirations?

Au début il y a une idée, une émotion, un souvenir, une envie d’une couleur ou d’une forme. Qui se dessine et s’ajuste lors de la création.
Mais souvent c’est la matière elle-même qui dicte la création. J’aime les formes très simples, arrondies. Pour la plupart des cas mes colliers se superposent, permettant d’être plus sobres pendant la journée et plus volumineux en soirée.

  • Le collier a quelque chose de particulier, de magnétique. Comment les traditions ramènent et renforcent ce pouvoir sur la femme?

Premièrement c’est la matière, il faut qu’elle soit naturelle, belle. Il faut la ressentir. Par exemple, je travaille beaucoup avec des anciennes perles en céramique, des émaux, de l’ancien bois noble. Ce sont des matières très agréables à porter. Elles communiquent avec la peau.
Ensuite, je crois que toutes nos traditions millénaires, nous procurent de la force et de l’assurance, c’est la mémoire génétique de nos ancêtres. Ce n’est pas par hasard que nous disons « si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne sais pas où tu vas ».

  • Une Ukrainienne, comment elle choisissait le collier qu’il faut pour différentes occasions (matière, longueur, couleur etc)?

Chaque fille se préoccupait de sa dot et avait tout intérêt à être habile de ses mains : elle brodait ses vêtements et, dès son plus jeune âge, rassemblait ses Korali, les colliers superposés. Chaque année, le jour de son anniversaire elle recevait une pièce « doukatch » ou une croix « zgarda » pour l’ajouter à son collier, la fille grandissait et son collier « grandissait » avec elle.

Les jeunes filles et les femmes plus âgées ne portaient pas les mêmes colliers. Très colorés et imposants pour les plus jeunes, ils laissaient la place aux couleurs transparentes, blanches lors d’une grossesse ou d’un deuil et devenaient plus sombres et plus modestes avec l’âge de la femme.
Pour les fêtes, les femmes couvraient leurs poitrines de « rideaux » des perles.

  • Quelles sont les traditions dans la mode des colliers de l’Ouest à l’Est de l’Ukraine?

Le collier d’ambre est typique pour la Rive Gauche de l’Ukraine. Il était censé procurer à sa propriétaire la santé et la chance. Il était courant de porter un long brin de pierres d’ambre massives combinées avec des perles de corail.

Mais sans aucun doute c’est le collier en corail rouge saumon qui est considéré comme un collier « le plus traditionnel ukrainien », même s’il restait difficilement accessible aux populations moins aisées. La valeur de ce collier est exprimée par des nombreux noms qui lui ont été attribués – un collier véritable, un bon collier, un collier sage etc.

Nous le retrouvons sur tous les anciens portraits d’une femme ukrainienne. A l’Est du pays il était décoré de perles et d’un ruban métalliques ou de pièces d’argent. Dans les régions de l’Ouest, il comportait plusieurs amulettes en formes de croix ou des petites icônes.

Un peu moins connu jusqu’à présent mais aussi très traditionnel en Ukraine Centrale (région de Vynnytsia) a été le collier de nacre appelé « Balamouty ». Un fil de perles de nacre pouvait compléter l’ensemble de colliers.

  • Pourquoi porter un collier traditionnel, revisité ou ancien ?

Avec tout le respect pour les anciens bijoux et sauf s’ils vous ont été transmis par vos grand-mères, à porter, je préfère les colliers neufs. Je pense que les bijoux gardent une énergie des personnes qui les ont portés auparavant et que la place des œuvres historiques est dans les musées. Pour mes créations je recherche soigneusement des perles et monte souvent mes colliers en perles anciennes qui n’ont jamais été portées. J’aime l’idée de créer un bijou pour une femme réelle, un visage concret.

Je trouve que les colliers sont des bijoux très féminins qui se marient bien avec les vêtements contemporains. Moi, je les porte au quotidien : avec des chemisiers et des robes, avec des jeans et des tailleurs. Plus discret en journée et en superposé en soirée. « Nulle part sans mon collier » est devenu une habitude. C’est une « Ukrainian Touch » qui complète mon style parisien au quotidien.

Il est intéressant de constater qu’avec la sympathie grandissante que les gens portent pour l’Ukraine, ce ne sont pas uniquement les Ukrainiennes qui s’intéressent aux créations inspirées par nos anciennes traditions. Je suis ravie donc, de contribuer à mon niveau à la reconnaissance de l’Ukraine dans le monde.

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Sources photos:
http://www.ladna-kobieta.com.ua/
http://www.pinterest.com/pin/
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