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Projection du film La guerre des gosses de Jacques Daroy et Eugène Deslaw à l’INALCO (voir la fiche)
Foisonnante dans les années d’avant-guerre – aux États-Unis, en Europe ou en URSS – la production française de films pour enfants a largement bénéficié de la faveur du public et notamment celle qui mettait en vedette des enfants prodiges, tel Robert Lyren, héros pathétique de Poil de carotte (1932) de Julien Duvivier. Parmi les films les plus connus, furent réalisés Zéro de conduite (1933) de Jean Vigo, La Maternelle (1933) de Jean-Benoît Lévy, Sans famille (1934) de Marc Allégret, Les Deux gosses (1936) de Fernand Rivers, La Guerre des gosses (1936) de Jacques Daroy et Eugène Deslaw, Les Disparus de Saint-Agil (1938) de Christian-Jaque. De 1935 à 1945, Marcel Mouloudji, Serge Grave et Jean Claudio furent incontestablement les enfants-vedettes du cinéma français.
S’il est un film pour enfants qu’Eugène Deslaw aurait aimé réaliser à cette époque, il s’agit bien de À nous la jeunesse. Mais de ce film ou projet de film, dont nous ne disposons du moindre synopsis, ne subsistent que des annonces éparses dans la presse de 1938. Bien qu’il se sentît pousser des ailes à la suite du succès populaire de La Guerre des gosses, auquel il apporta son exceptionnelle contribution, cette année-là il n’assista que Pierre Caron pour les comédies de mœurs Les Femmes collantes ou Le Monsieur de cinq heures.
Résigné comme beaucoup de ses collègues à abandonner le documentaire et à s’orienter vers le cinéma commercial dès 1933, Deslaw était passé entre-temps par différentes étapes de l’apprentissage des métiers du Septième art. Tour à tour chef-monteur, technicien de doublage, découpeur, il signa notamment l’adaptation cinématographique des deux premiers films parlant de Jacques Daroy, Vogue mon cœur (1935) et Le Nudiste des Champs-Elysées (1936). Collaborateur de la première heure, Deslaw fut engagé par la Société de production Forester-Parant, le 28 juillet 1936, en qualité d’assistant de Jacques Daroy, pour le découpage, la mise en scène et le montage du film La Guerre des boutons, qui deviendra à sa sortie sur les écrans, le 3 novembre 1936, La Guerre des gosses.
Le tournage se déroula aux Studios Paramount de Saint-Maurice et dans le Midi de la France, dans l’arrière pays niçois. Sur le plateau, une classe d’école fut entièrement reconstituée. Cinquante enfants, garçons et filles, étaient assis devant leur pupitre, attentifs à la leçon. Parmi les têtes les plus typiques de cette docte assemblée de jouvenceaux – le têtu, le sentimental, l’idiot, le traître, le fainéant, le chahuteur, le cancre, l’as, etc. -, débutaient à l’écran le jeune Serge Grave, Marcel Mouloudji, Ginette Marbeuf, qui sera très vite comparée à Shirley Temple, mais encore Jacques Tivoli, Vera Pharès, Clariette Fournier et, dans un rôle mineur non crédité, Charles Aznavourian, futur Charles Aznavour. Cette équipe d’enfants était entourée de Jean Murat, Claude May et Saturnin Fabre qui interprétaient les principaux rôles d’adultes.
Le premier tour de manivelle des extérieurs fut donné le 3 août 1936, et les prises de vues se déroulèrent dans les sites splendides qui abritent les petits villages de Tourettes, de Gourdon et de Saint-Jeannet. À ces petits Parisiens vint s’ajouter une ribambelle de 150 gamins des alentours, de cinq, six et sept ans. Dans les gorges du Loup, dans la vallée du Var entre Vence et Saint-Laurent, deux groupes de gosses s’affrontèrent chaque jour, avec tout leur cœur et leur ardeur, devant la caméra de Jean-Paul Goreaud et sous l’œil de Jacques Daroy et Eugène Deslaw. La direction d’enfants présentant une difficulté majeure, ce dernier, tel un maître d’école surveilla, amusa et dirigea quelques 200 figurants pendant les cinq semaines que dura le tournage. De par sa fonction d’assistant-réalisateur, il joua un rôle non négligeable dans la distribution des seconds rôles, en étendant son champ de prospection à la rue, prisée habituellement par des cinéastes amateurs de vérité humaine, et le film gagna en authenticité.
Dans son étude Paris cinématographique, publiée au Mexique dans Cinéma reporter en 1948, et au Portugal dans Jornal de Actualidades en 1952, Deslaw disait à propos de La Guerre des gosses qu’il a gardé de cette réalisation le plus agréable souvenir malgré la participation de cinquante gosses parisiens de huit à douze ans :
Dans ce même film, le rôle d’un chef de gosses était joué par un jeune garçon de treize ans, Marcel Mouloudji, qui a obtenu récemment à Paris un prix pour son livre sur les enfants vagabonds de Paris (Enrico, ouvrage de mémoire récompensé par le Prix de la Pléiade en 1945).
Son premier essai pour le film fut vraiment bizarre. Je l’ai découvert un jour, Place de l’Étoile, en train de chanter devant quelques nurses et des soldats en permission. Je le fis venir, non sans difficulté, dans le luxueux bureau du producteur de films ; il était très impressionné.
Silencieux, il continua à tourner sa casquette dans ses mains.
« Chante comme tu as chanté », lui dis-je.
« Alors quoi ? Tu as oublié la chanson ? »
Il s’approcha de moi et me dit à voix basse : « Je ne peux pas chanter sans ma casquette sur la tête ».
Et quelques instants plus tard, il chanta une vieille chanson, Monsieur le Vent, d’une façon surprenante, debout au milieu d’un superbe tapis de vingt mètres carrés, avec sa casquette bien enfoncée sur la tête.
Tiré du célèbre roman de Louis Pergaud La Guerre des boutons, roman de ma douzième année, le film reprenait l’histoire de deux villages séparés par une haine ancestrale qui voient leur population enfantine se livrer à la guerre, tandis que l’institutrice du premier (Claude May) et le maire du second (Jean Murat) s’aiment. Les amoureux parviennent à faire signer la paix, mais les adultes réunis au cours d’un banquet de réconciliation n’ont pas la sagesse des enfants, la question d’honneur n’étant pas toujours réglée.
Tout comme Louis Pergaud qui voulut faire un livre sain, qui fut à la fois gaulois, épique et rabelaisien, les auteurs du film s’appliquèrent à restituer la vie enthousiaste et brutale de vigoureux sauvageons dans ce qu’elle a de franc et d’héroïque, c’est-à-dire libérée des hypocrisies de la famille et de l’école. À travers les réactions des enfants, ils ont cherché à mettre en valeur le déchaînement des passions humaines. Réalisé lors de la montée du Front populaire, La Guerre des gosses restituait parfaitement l’esprit du temps et cherchait à rendre les gens du peuple sympathiques.
Le film, qui devait son charme aux grâces de l’enfance, eut une longue carrière commerciale en France comme à l’étranger. En 1946, la première édition du Répertoire général des films – publication de la Centrale Catholique du Cinéma et de la Radio qui se voulait vecteur de renseignements moraux à valeur officielle -, classa ce film dans la dernière catégorie (5 : à proscrire), celle dont les films prônaient ouvertement des idées subversives, ou faisaient étalage avec complaisance de vices, de crimes ou de vie déréglée, sans que les éléments bons, de réelle valeur, viennent compenser, ou que l’ambiance (historique burlesque, invraisemblable) atténue sensiblement l’impression morbide ou néfaste produite par de telles bandes.
Si en 1937, pour la première fois aux États-Unis des centaines de salles venaient de projeter un film parlant français, Mayerling de Anatole Litvak, bientôt suivi de Carnet de bal de Julien Duvivier, les marchés extérieurs durent leur équilibrent avant tout à La Guerre des gosses, reconnu en 1938 par le National Board of Review Award of Motion Pictures comme l’un des meilleurs films étrangers, sorti sous le titre Generals Without Buttons. Le journal Hollywood Reporter du 25 janvier 1938 rendait un hommage particulier au jeu de Marcel Mouloudji (La Crique) et de Serge Grave (Lebrac) et aux enfants qui ignorèrent la caméra et jouèrent avec un réalisme vrai.
Tourné en Provence et non dans le Jura, comme le situait le récit de l’écrivain, la version de Daroy et Deslaw fut supérieure en qualité à celle que réalisera Yves Robert en 1961 (La Guerre des boutons), du reste peu fidèle à l’esprit libre et anarchiste de Louis Pergaud. Le récit de l’écrivain connaîtra par la suite trois autres adaptations. Située dans le sud-ouest de l’Irlande, l’histoire des deux bandes rivales dépenaillées sera portée à l’écran, en 1994, par l’Américain John Roberts sous le titre La Guerre des boutons, ça recommence. Enfin, en 2011, la version de Yann Samuel, La Guerre des boutons, précèdera d’une semaine la sortie de La Nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier, transposé cette fois-ci pendant la Seconde Guerre mondiale.
Lubomir Hosejko
Ciné Nice, Cinémathèque de Nice, Hors série n°1
Détails
Lieu
Paris, 75013 + Google Map