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Le bénévole de la Croix Rouge

24 Déc 2014
Roman Kotliarevskiy

« Notre Maïdan était entre deux feux »

D’abord, il était une goutte dans l’océan, puis avec la croix rouge sur le dos, il a commencé à aider les gens, et ensuite il a reçu une balle dans sa jambe. Après tout cela, il sera plus jamais la personne qu’il était avant… Roman Kotliarevskiy, biologiste et manager en logistique, membre de la Croix Rouge lors de la révolution en Ukraine est témoin de plusieurs histoires intéressantes, tragiques et tristes sur Maïdan. Malgré sa blessure, il ne regrette guère de ses efforts et son temps consacrés à un des plus grands événements dans sa vie. L’événement qui l’a complètement changé, ainsi que la vie de chaque Ukrainien.

Pendant le séjour de Roman à l’hôpital de Vienne, une journaliste et activiste de Maïdan local, Lidiya Akrychora lui a rendu visite pour écouter tout ce qu’il a vécu lors de cet événement douloureux.

L’équipe de J’aime l’Ukraine vous fait un résumé de cette interview.

Croix Rouge
Croix Rouge

« Je venais sur Maïdan chaque jour, car je sentais que je devais y être », dit Roman. Après l’opposition du 20 janvier 2014, Roman s’est senti prêt d’intégrer l’équipe de la Croix Rouge. Il travaillait une fois tous les deux ou trois jours. La plupart du temps, ils intervenaient pour des pertes de connaissance, des hypothermies et des blessures . Mise à part l’aide médicale, Roman, ainsi que ses collègues apportait aussi un soutien psychologique. Souvent, ils servaient de « mur » entre les policiers et les manifestants. C’est pourquoi ils apportaient de l’aide à tout le monde : aux Berkouts (CRS ukrainien – NTA), aux manifestants ou aux policiers.

« Ce sont tous des humains. En ce moment, ils ne représentent pas le côté, dont on aurait voulu qu’ils représentent, mais après avoir mis la veste de la Croix Rouge, tu n’as plus le droit de préférer une partie ou l’autre. Même, lorsqu’on travaillait, on ne parlait pas politique, car la Croix Rouge doit rester neutre ».

Roman raconte qu’une fois, le 18 février lorsque la police se retirait, deux policiers sont tombés par terre. De nombreux manifestants se sont jetés sur eux. Mais la Croix Rouge est venue au secours pour les retirer de la foule. De cette façon beaucoup de personnes ont pu être sauvées.

Pendant l’attaque du Palais d’Octobre par les Berkouts, un manifestant n’a pas pu sortir à temps. La Croix Rouge lui a donné une blouse de médecin ce qui lui a permis de se mettre à l’abri.

Il arrivait même que les policiers avaient peur d’attaquer, ils demandaient donc à la Croix Rouge de leur mettre des bandages pour qu’ils ne participent pas aux événements.

Pendant les affrontements, les médecins ont dû subir beaucoup de choses. Mais ils avaient pas peur, car il fallait sauver les vies. La peur est arrivée le 20 février.

Comme chaque jour, les bénévoles étaient au courant des actualités, ils savaient très bien ce qui les attendait. Ce jour tragique Roman ne pouvait pas refuser, il y avait beaucoup trop de blessés et de morts. Les filles apportaient le secours à l’hôtel Oukraina, et les garçons se dirigeaient vers la rue Instytoutska.

Roman se souvient que dans le surréalisme extérieur tout se mélangeait : les tirs, le sang, les gens qui couraient, se protégeaient avec les boucliers en bois et les appels au secours pour emporter les blessés. On disait que les policiers ne tiraient pas sur les médecins… D’un coup, un homme est venu demander de l’aide. Mais il n’a même pas eu le temps de finir sa phrase, que le sang a commencé à couler de sa bouche – ses poumons étaient visés… De suite, les gars de la Croix Rouge lui ont mis le bandage et l’ont emmené à l’hôtel Oukraina. Aujourd’hui, Roman sait que cette personne se porte bien.

Dans la rue il y avait des tas de blessés. Roman avec ses collègues ont vu un corps par terre. Ils savaient que c’était déjà un cadavre (Oustym Golodniouk – NTA), mais ils étaient obligés de le vérifier et de l’emporter. Lorsque Roman se relevait, il a reçu une balle dans la cuisse. Avec du sarcasme, il dit que ça lui a sauvé la vie. S’il ne s’était pas levé à ce moment, il serait blessé dans la tête… Juste après le tir, Roman a naïvement pensé que ce n’étaient que des balles en caoutchouc, car il a senti un coup très fort dans sa jambe, mais une seconde plus tard, c’est lui que se faisait porter. La règle « on ne tire pas sur les médecins » n’avait plus aucune valeur dans cette guerre de dignité…

roman blessé

Roman a été transporté à Vienne pour une opération, car il risquait de perdre sa jambe. Une fois le danger passé, Roman a fait connaissance avec beaucoup d’habitants locaux à qui il transmettait l’information sur Maidan. Il était ravi d’aider à comprendre ce qui se passe aux Autrichiens, il passait pour un héros ! Mais parfois, il avait du mal, car était obligé de les persuader qu’il n’y a pas de fascistes sur Maïdan.

Quand Roman analyse les événements un an après, il a des sentiments mitigés. D’un côté, beaucoup de personnes n’ont toujours pas compris ce qui s’est passé. Roman affirme que certaines de ses connaissances lui demandent jusqu’au maintenant combien il avait été payé. De l’autre côté, Maïdan a appris les gens de se réunir, vivre non seulement pour soi-même, mais donner quelque chose aux autres. Beaucoup de gens ont compris qu’ils peuvent influencer sur le cours de l’histoire, et ont pris la responsabilité de devenir une force motrice.

Quand Roman parle de la guerre à l’est de l’Ukraine, il est persuadé que ce sont des personnes mieux préparées qui doivent y aller pour défendre le pays. Car la jeunesse y devient la chair à canons. A quoi ça sert ? D’après Roman, il faut agir là où tu es sûr d’être utile.

Pavlo Bishko - A l'hôpital
photo de Pavlo Bishko – A l’hôpital

Roman a fait beaucoup de missions bénévoles en Afrique. Il dit avec de l’ironie, qu’étant à Soudan ou Congo pendant les guerres civiles, il a quand même été blessé chez lui, dans son propre pays. Mais malgré tout, il ne regrette aucunement qu’il a participé à Maïdan et qu’il était une goutte dans l’océan. Même s’il savait ce qui allait lui arriver, il ferait pareil. Sa motivation est simple : « Ma place là-bas, c’est la vie. Si on avait sauvé une personne ce serait bien. Mais comme on en a sauvé plusieurs, c’est magnifique ».

Квітень 2014. Роман під час лікування у Відні. Фото: Павло Бішко
photo de Pavlo Bishko: Avril, pendant le séjour à l’hôpital de Vienne
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Source:
http://vidia.org